Le concept d’espace depuis Euclide et Descartes nous avait habitué à cette notion de continuité, d’infini, à ce caractère adressable bien utile et rassurant. Ce modèle réalisant un lien solide entre théorie et réel, concept appuyé sur la matière même de la conception pour les architectes : l’espace tridimensionnel, borné ou non.
Cet espace tridimensionnel, Einstein lui a adjoint un espace-temps permettant de compléter l’édifice théorique des mathématiques vers un modèle physique.
Avec Benoit Mandelbrot l’apparition du terme fractal a ébranlé une première fois la partition discret-continu au début du 20e siècle ouvrant vers des univers infinis, parfois homothétiques très efficacement relayés par la puissance de calcul des processeurs dépassant les seules itérations du plan complexe esquissées jusqu’alors à la craie, au tableau et dans une concision d’écriture formelle rarement inégalée : z -> z2 + c. Ces modèles convoquant le couple de stabilité-divergence comme paradigme de composition.
Les philosophes de la nature et de l’environnement sont toujours à l’œuvre avec comme paradigme décentrement comme alternative. Catherine et Raphaël Larrère dans leur ouvrage Du bon usage de la nature ont proposé une topologie qui décrit le positionnement de l’homme vis-à-vis de la nature en trois temps : à l’anthropocentrisme aristotélicien ― dans lequel l’homme se trouve situé au centre de la nature ― succède la position de l’homme moderne : à l’extérieur de la nature il
instrumentalise le monde par la technique. Quant au troisième terme décrit par Catherine et Raphaël Larrère qui « réinscrit l’homme dans la nature sans position privilégiée », cette position écarte tout modèle dominant et fait le choix de la biodiversité.
La notion de voisinage apparait avec la théorie des topos, décrivant grâce aux notion de boules ouvertes la construction des réels et bouclant grâce à la distance nouvellement construite un lien avec Euclide.
En articulant structures discrètes et structures continues Alexandre Grothendieck élabore une géométrie algébrique trouvant ses appuis sur les conjectures de Weil mais également sur les travaux d’Oscar Zariski et de Jean Pierre Serre.
Le lien avec la mécanique quantique de Schrödinger, est évoqué par Grothendieck : « ‘’ces nuages probabilistes’’ remplaçant les rassurantes particules matérielles d’antan, me rappellent étrangement les élusifs ‘’voisinages ouverts’’ qui peuplent les topos, tels des fantômes évanescents, pour entourer des ‘’points’’ imaginaires, auxquels continue à se raccrocher encore envers et contre tout une imagination récalcitrante..»1.
L’articulation Chora – Topos de Berque articule la dimension symbolique du lieu à un topos aristotélicien matériel et physique. Avec ce double versant phénoménal – physique Augustin Berque construit une dualité symbolique du lieu qui ouvre à la polysémie du paysage.
Au-delà de ces modèles dont sont friands les architectes et à l’heure de la publication de son autobiographie, nous abordons les questionnements suivants qui restent à extraire de son œuvre : quels sont les apports de Grothendieck vus depuis l’architecture ? Quel est l’héritage spatial théorique, épistémologique de Grothendieck pour les architectes ?